La saga Moutet commence en 1874 avec Jean-Baptiste. Rien ne semble prédisposer ce fils de cultivateurs à faire carrière dans le textile, bien qu’étant originaire de Castétis (vous l’avez ?). À ceci près qu’en Béarn, lorsque l’on n’a pas la chance de naître aîné, il faut bien trouver de quoi s’occuper. Jean-Baptiste rachète donc un magasin de tissus, s’installe « Au coin de la rue » à Orthez et se lance dans le commerce. Considérant que l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, il crée en 1913 un premier atelier de tissage équipé de quatre métiers manuels qui lui permettent de produire ses propres coutils, des toiles utilisées pour confectionner des vêtements.
Un malheur n’arrivant jamais seul, c’est durant la Première Guerre mondiale que Jean-Baptiste Moutet passe l’arme à gauche. Son fils Georges prend sa suite, non sans avoir ramené de Lyon, où il était mobilisé, une femme – Suzanne –, mais également l’idée de mécaniser le tissage dont il vient d’hériter. C’est chose faite en 1919 avec l’achat du matériel d’une ancienne usine du Rhône. Georges diversifie la production qui se spécialise de plus en plus dans le linge de table. Du véritable linge basque, bien que tissé en Béarn, mais l’axoa étant plus vendeur que la garbure, c’est cette appellation qui est finalement choisie (marketing, quand tu nous tiens !).
C’est à seulement 17 ans que Jacques succède à son père à la tête du tissage. Trop jeune pour avoir eu le temps de faire des études, sa fibre entrepreneuriale ne fait néanmoins aucun doute : on lui doit les premiers jacquards orthéziens et la construction d’une usine modèle et ultra-moderne à la lisière de la ville. Moutet devient avec lui, dans les années 1970, l’une des premières entreprises françaises de linge de maison. Rien que ça. A l’instar de son père, il s’engage en politique, tant au niveau local que national, faisant la navette entre Orthez et la capitale.
Georges (à ne pas confondre avec Georges) prend la suite de son père. À la différence de ce dernier, cet ingénieur textile passé par HEC est du métier. Mais malgré ses efforts pour renouveler et moderniser la production (dont des essais d’impression textile que nous passerons volontairement sous silence) le beau linge de maison est voué à connaître le même destin que le mobilier en bois massif à l’arrivée du Formica.
À la fin des années 1990, la crise aura donc raison du tissage mais pas de la détermination de Catherine, épouse de Georges deuxième du nom, qui, remontant à la fois ses manches et l’entreprise, devient la première femme à diriger la Maison Moutet.
Elle ourdit un plan sans faille pour réinventer le linge de maison en faisant appel à des designers internationaux pour créer des collections uniques et colorées.
Au milieu des années 2010, c’est Benjamin, arrière-arrière-petit-fils du fondateur, qui reprend les rênes du tissage. À la règle « une génération, une innovation » il ne déroge pas et, s’entourant d’une équipe jeune et dynamique, fait le pari de renforcer l’ancrage local de l’entreprise tout en développant des projets innovants.
Dans une famille qui a pour maître-mot la transmission, la 6e génération est-elle déjà, comme on le dit en béarnais, dans les starting-blocks ? Il nous faudra laisser se dérouler le fil de l’histoire pour le savoir…